Bail commercial : clause pénale et clause résolutoire
Contrat de bail commercial : clause pénale et clause résolutoire
Obligation de bonne foi dans la mise en œuvre d'une clause résolutoire d'un bail commercial
Des propriétaires louent leur local en bail commercial à une société de coiffure. Quelques mois plus tard, des fuites d'eau surviennent au point de rendre l'endroit inapte à y conduire toute activité. Les propriétaires procèdent aux réparations et remettent le local à la société.
A sa reprise, le lieu demeure inexploitable : la société doit encore l'aménager pour y mener son activité ; en conséquence, elle ne paye pas de loyers au bailleur en attendant d'avoir rendu l'endroit totalement exploitable. Mais les bailleurs ne tardent pas à résilier le contrat et lui adresser un commandement de payer des loyers dus pour la période allant de la date à laquelle lui a été rendu le local jusqu'à la date de résiliation du bail.
Le locataire qui n'avait pas payé de loyer pendant la période d'indisponibilité du local devait, d'après les bailleurs, s'acquitter du loyer dès le moment où il l'avait récupéré, quand bien même il était inutilisable et qu'il restait encore à l'aménager. La question était alors de savoir si les bailleurs étaient dans leur bon droit en résiliant le contrat de la sorte.
La Cour de cassation répond par la négative. La clause résolutoire d'un bail commercial doit être mise en œuvre de bonne foi et il y a lieu de rechercher si la résiliation prononcée par les bailleurs dans ces circonstances n'avait pas été faite de mauvaise foi.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 juin 2016, 15-12.734, Publié au bulletin
Les frais de jouissance excessifs d'un bail commercial requalifiés en clause pénale
Une société loue à une autre un ensemble de matériels, services et logiciels informatiques. A la fin du bail commercial, la société locataire ne restitue qu'une partie du matériel loué.
Le bailleur réclame alors le paiement des factures en application d'une clause du contrat stipulant qu'en cas de retard dans la restitution du matériel, le locataire devait s’acquitter d'une indemnité de jouissance égale à un trentième du dernier loyer mensuel par jour de retard. Le délai courant de la résiliation du contrat jusqu'au jour de la remise effective du matériel restant.
La société locataire estimant ce montant trop important décide de voir prononcée devant un tribunal la facturée injustifiée. Plus précisément, elle souhaite annuler le montant de ces factures au motif que le mécanisme prévu dans le contrat serait une clause pénale excessive.
Une clause pénale est une clause d'un contrat par laquelle une partie s'engage à payer à l'autre une somme d'argent si l'une d'entre elles n'a pas respecté une obligation stipulée dans le contrat.
Une clause pénale comporte deux finalités : la première est celle de sanctionner une partie qui n'a pas rempli son obligation (c'est le caractère dit « comminatoire »). La deuxième est celle de réparer le préjudice que la partie a subi du fait de l'inexécution (c'est le caractère « réparateur »). Enfin, l'article 1235-1 alinéa 2 du code civil autorise le juge à moduler le montant d'une clause pénale : il peut élever la pénalité si elle est dérisoire ou la baisser si elle est manifestement excessive.
Le locataire arguait que la clause en question était une clause pénale excessive, tandis que le bailleur considérait qu'elle visait simplement à compenser la non restitution du matériel; ce qui n'en faisait pas une clause pénale dont le juge pouvait moduler le montant.
Pourtant les juges tranchent en faveur du locataire. La clause visait bien à contraindre le locataire à restituer le matériel loué, elle constitue par ailleurs une évaluation forfaitaire anticipée du montant du préjudice subi par le bailleur. Elle est donc une clause pénale dont le montant peut être revu à la baisse par le juge s'il est manifestement excessif ; ce qui était le cas en l'occurrence.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 septembre 2016, 13-28.063, Inédit