L'indemnité d'éviction à la fin du bail
L’indemnité d’éviction
A la fin du bail (le « terme », en général après 9 années) le bailleur et le locataire peuvent bien sûr signer un nouveau bail commercial. Néanmoins, le propriétaire a le droit de ne pas accepter la signature d’un nouveau bail commercial. La loi l’oblige alors à payer au locataire une indemnité d’éviction égale au préjudice subi par ce dernier en raison du refus de renouvellement du bail commercial. L'indemnité d'éviction est destinée à compenser la perte partielle de fonds de commerce et les frais pour locataire, comme les frais de déménagement.
Seuls des motifs graves et légitimes peuvent permettre au bailleur de ne pas verser au locataire une indemnité d'éviction.
Si le propriétaire vend l’immeuble postérieurement au refus de renouvellement, le vendeur reste tenu personnellement du paiement de cette indemnité.
Les conditions ouvrant droit à l'indemnité d'éviction
Le bailleur donne congé par huissier au locataire à l’expiration du bail commercial ou à tout moment au cours de la période tacitement prolongée après le terme du bail.
Le congé informe le locataire du refus de renouvellement du bail commercial et du paiement d’une indemnité d’éviction. Cependant, le preneur (locataire) doit avoir la nationalité française et exploiter effectivement le fonds de commerce depuis au moins trois années consécutives. Il doit être titulaire du bail commercial et inscrit au registre du commerce.
Calcul de l’indemnité d’éviction
La date d’appréciation du montant de l’indemnité d’éviction
L’indemnité d’éviction à la date à laquelle le juge rend sa décision. L’expert judiciaire puis le juge se fondent souvent sur la moyenne des chiffres d’affaires des trois dernières années. L’idée est d’éviter les hausses ou les baisses trop importantes sur le dernier exercice. Si le locataire quitte les locaux commerciaux en cours de procédure, l’indemnité sera calculée à la date du départ. La décision que le fait que le locataire a droit ou non à l’indemnité d’éviction, les juges se placent à la date de délivrance du congé. Le montant de l’indemnité d’éviction L’indemnité d’éviction doit être égale au préjudice subi par le locataire résultant du défaut de renouvellement.
L’indemnité d’éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
A titre principal, deux types d’indemnité d’éviction peuvent être distingués.
D’une part, le locataire peut recevoir une indemnité de remplacement lorsque son éviction lui fera perdre son activité. Cette indemnité aura pour objectif d’indemniser le preneur de la valeur du fonds. De manière pratique, cette indemnité sera versée lorsque la clientèle est importante et qu’il est impossible de trouver un local de remplacement.
D’autre part, le locataire peut recevoir une indemnité de déplacement dans l’hypothèse où il peut déplacer son activité sans perdre de clientèle. Concrètement, le bailleur devra prouver que l’activité est transférable sans préjudice pour le preneur.
A titre accessoire, le bailleur peut être amené à payer différentes indemnités accessoires suivant les circonstances (déplacement ou disparition du fonds de commerce) : — l’indemnité de remploi : ce sont les frais et droits de mutation à payer pour l’acquisition d’un fonds de même valeur ou d’un droit au bail équivalent ; — les frais normaux de déménagement et de réinstallation (évaluation sur devis) ; — pertes sur stock (dans l’hypothèse où la cessation d’activité entraîne la résiliation du stock) ; — trouble commercial (trouble subi par le locataire pendant le temps nécessaire à l’acquisition d’un autre fonds) ; — frais de double loyer (cas dans lequel le locataire devrait payer le loyer des anciens et des nouveaux locaux) ; — indemnités de licenciement du personnel.
Le paiement de l’indemnité d’éviction Les obligations du bailleur en cas de paiement d’une indemnité d’éviction Lorsque le juge a statué et a conclu au versement de l’indemnité d’éviction, le bailleur est tenu par cette décision. Il doit verser intégralement la somme et ne peut en retenir une partie en invoquant des créances qu’il a sur le preneur.
En cas de non-paiement de l’indemnité par le bailleur, le locataire pourra mettre ce dernier en demeure de la verser dans un délai de trois mois, soit à lui-même, soit à un séquestre (personne judiciairement nommée à qui le paiement peut être remis). En cas de non-paiement de l’indemnité à la date prévue, le bailleur devra, en plus de cette indemnité, des intérêts moratoires (intérêts de retard).
Les obligations du locataire en cas de réception d’une indemnité d’éviction
Lorsque le juge a statué et a conclu au versement de l’indemnité d’éviction, le rôle du locataire n’est pas seulement de réceptionner le paiement de l’indemnité. Il est également soumis à des obligations. Tout d’abord, le locataire va devoir quitter les lieux et les remettre au bailleur le premier jour du terme d’usage qui suivra un délai de quinze jours à compter du versement de l’indemnité. Ensuite, le preneur devra remettre les clés du local vide au bailleur. A défaut, il devra payer des pénalités de retard (1% par jour de retard sur le montant de l’indemnité). Le locataire doit justifier du paiement des impôts et des loyers sous réserve des réparations locatives. Enfin, l’indemnité n’est versée qu’en cas d’absence d’opposition des créanciers.
La référence aux usages de la profession
L’article L145-14 du Code de commerce dispose : « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »
L’indemnité d’éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession. Cass. civ. 3, 05-02-2014, n° 13-10.174, FS-P+B La détermination de la valeur marchande du fonds de commerce, prise en compte pour la détermination du montant de l’indemnité d’éviction, s’effectue selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernés.
Le montant de l’indemnité d’éviction doit être déterminé en fonction des modalités d’évaluation des fonds de commerce en vue d’une transaction en usage dans la profession. Le fait qu’une indemnité réparatrice ne soit pas soumise à une taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas, en soi, obstacle à la prise en compte pour sa fixation, d’éléments comptables arrêtés toutes taxes comprises.
Tel est le sens d’un arrêt rendu le 5 février 2014 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation. En l’espèce, des sociétés avaient donné en location à un preneur, pour l’exercice d’une activité de vente de prêt à porter, un local situé dans un centre commercial, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1997. Le 29 mai 2007 les bailleresses avaient fait délivrer un congé à effet du 1er décembre 2007 avec offre d’une indemnité d’éviction. La cour d’appel de Bastia a considéré, le 24 octobre 2012, concernant le montant de l’indemnité d’éviction, que seul le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du chiffre d’affaires devait être pris en considération, l’indemnité attribuée s’inscrivant dans la réparation d’un préjudice et non dans une transaction imposable.
Cependant, la Cour de cassation, au visa de l’article L. 145-14 du Code de commerce , a censuré cette décision aux motifs que le fait qu’une indemnité réparatrice ne soit pas soumise à une taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas, en soi, obstacle à la prise en compte pour sa fixation, d’éléments comptables arrêtés toutes taxes comprises et que la détermination de la valeur marchande du fonds de commerce s’effectue selon les usages et les modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernés. La cour d’appel aurait dû rechercher les modalités d’évaluation des fonds de commerce en vue d’une transaction en usage dans la profession.
La question de la prise en compte du chiffre d’affaires hors taxes (HT) ou toutes taxes comprises (TTC)
La valeur marchande du fonds de commerce s’effectue selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernés et les juges du fonds doivent donc rechercher quelles sont les modalités d’évaluation des fonds de commerce en vue d’une transaction en usage dans la profession pour déterminer s’il y a lieu de prendre en compte un chiffre d’affaires incluant ou non la TVA. Aux termes de l’article L. 145-14 du Code de commerce, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail doit, en principe, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Toujours selon ce texte, cette indemnité comprend, notamment, la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Sur le fondement de l’article L. 145-14 du Code de commerce, qui impose de déterminer la valeur marchande du fonds de commerce suivant les usages de la profession, la Cour de cassation avait précisé que les juges du fond devaient rechercher si l’usage de la profession est d’inclure, ou non, la taxe sur la valeur ajoutée dans le montant du chiffre d’affaires qui sert de base au calcul de l’indemnité d’éviction. Dans un arrêt postérieur, la Haute cour avait rejeté un pourvoi formé contre un arrêt qui avait retenu comme base de calcul un chiffre d’affaires incluant la TVA, sans se référer aux usages de la profession, en précisant que la cour d’appel ”a pu évaluer l’indemnité due à la locataire en incluant la taxe sur la valeur ajoutée”. Il était difficile d’affirmer que cet arrêt aurait traduit l’abandon de la référence aux usages de la profession. Était en cause, en revanche, la nature du contrôle opéré par la Cour de cassation. Un arrêt du 17 décembre 2003 a réitéré la nécessaire prise en compte des usages de la profession en consacrant un contrôle ”lourd” de ce point par le rejet du pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt ayant exclu la TVA : ”ayant relevé que si la référence aux usages de la profession exercée par le preneur faisait apparaître que le chiffre d’affaires toutes taxes comprises était retenu pour les transactions amiables car l’indemnité n’était pas exonérée de l’imposition, tel n’était pas le cas lorsque l’indemnité représentait la stricte réparation d’un préjudice, la cour d’appel en a exactement déduit, que l’indemnité d’éviction due au locataire devait être évaluée en excluant la taxe sur la valeur ajoutée du chiffre d’affaires qui a servi de base à son calcul”.
Un arrêt du 5 février 2014 s’inscrit dans la continuité de cette décision en ce qu’il se réfère aux usages de la profession. Il s’en éloigne aussi concernant les modalités de prise en compte de ces usages. Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, la cour d’appel avait retenu un chiffre d’affaires hors taxes au motif que l’indemnité d’éviction s’inscrivait dans la réparation d’un préjudice et non dans une transaction imposable. Cette solution repose, tout d’abord, sur une confusion entre l’absence d’assujettissement de l’indemnité d’éviction à la TVA et la détermination de son montant. Elle encourait, en outre, la censure dès lors qu’elle n’était pas fondée sur la prise en compte des usages de la profession. La Cour de cassation précise, à cet égard, que ”la valeur marchande du fonds de commerce s’effectue selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernés”. Elle impose même aux juges du fonds de rechercher quelles sont ”les modalités d’évaluation des fonds de commerce en vue d’une transaction en usage dans la profession”. Le montant de l’indemnité d’éviction ne peut être évalué sans rechercher si l’usage de la profession n’était pas d’inclure la taxe à la valeur ajoutée dans le montant du chiffre d’affaires servant de base au calcul de cette indemnité.
L’indemnité d’éviction ne peut être limitée à une certaine somme au motif que le locataire n’établit pas qu’il serait d’usage dans son secteur d’activité de prendre en compte les chiffres d’affaires TTC et que les experts amiable et judiciaire ont retenu des chiffres d’affaires HT alors qu’il appartient aux juges du fond de rechercher eux-même si l’usage de la profession n’était pas d’inclure la TVA dans le montant du chiffre d’affaires servant de base au calcul de l’indemnité d’éviction. Est fondé, l’arrêt qui calcule l’indemnité d’éviction en incluant la TVA au chiffre d’affaires qui a servi de base à son calcul (sans référence aux usages professionnels).
Si la référence aux usages de la profession exercée par le preneur faisait apparaître que le chiffre d’affaires TTC est retenu pour les transactions amiables car l’indemnité n’est pas exonérée de l’imposition, tel n’est pas le cas lorsque l’indemnité représente la stricte réparation d’un préjudice, l’indemnité d’éviction due au locataire devant alors être évaluée en excluant la TVA du chiffre d’affaires qui a servi de base à son calcul. L’impôt au titre des plus-values, dûes par le locataire à la suite de son éviction et qui est la conséquence de son enrichissement et non d’un préjudice, n’est pas pris en compte dans le calcul du résultat d’exploitation du fonds de commerce.
En l’absence d’éléments d’évaluation du chiffre d’affaires d’un fonds donné en location gérance constituant un placement financier pour les locataires, les juges peuvent fixer l’indemnité en capitalisant la redevance annuelle payée par le gérant libre. Le procédé de capitalisation des redevances de location-gérance ne peut être pris en compte dans l’hypothèse d’un fonds donné en location-gérance, qu’en l’absence totale d’éléments comptables. L’absence de renouvellement du bail ne provoque pas une perte totale du chiffre d’affaires réalisé par le preneur si celui-ci exploite un autre site qui a pu récupérer une partie de la clientèle. Le locataire qui fournit, au cours d’une expertise, des renseignements comptables inexacts dans le but d’obtenir une évaluation exagérée de son indemnité peut être condamné pour tentative d’escroquerie.
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