Perte fiscale du non classement en résidence de tourisme

Perte de l'avantage fiscal lié au classement en résidence de tourisme

 

Thème: conséquences de la remise en cause des avantages fiscaux du fait de l’absence de classement en résidence de tourisme

Solution : dommages et intérêts.

En bref : une personne a fait un investissement pour bénéficier des avantages fiscaux liés au classement en résidence de tourisme. Le classement n’a pas été fait. L’administration fiscale a remis en cause les avantages. Le Tribunal avait annulé la vente du lot ainsi que le bail commercial et le prêt immobilier associés. La Cour d’appel infirme et condamne le notaire rédacteur, le vendeur et l’exploitant à payer des dommages et intérêts. Le conseiller financier et la banque prêteuse ne sont pas condamnés.

Nom de l’exploitant : Val Joly Exploitation

Nom de la résidence : Val Joly

Type de résidence : non indiqué

Dommages et intérêts : 18.000 euros

 

Titre I : absence de dol et d’erreur au moment de la conclusion du contrat de réservation du bien donné à bail

Point 1 : pas de preuve que la perte des avantages fiscaux remet en cause la rentabilité de l’investissement

Extrait : « Mme M. ne démontre que la réalité de la perte d'un avantage fiscal de 6 086 euros en conséquence du défaut de classement de la résidence de tourisme dans laquelle elle a investi au moment de la conclusion de la vente en 2008. Alors qu'à la date de ses conclusions en appel elle est propriétaire du bien en cause depuis dix ans, elle ne produit aucun élément de nature à établir le défaut de rentabilité de son investissement et que l'équilibre de celui-ci aurait été rompu par la perte de l'avantage fiscal, ce dont il est permis de douter eu égard au montant limité de cette perte par rapport au coût total de l'investissement (158 656 euros). A cet égard, le premier juge affirme sans le caractériser que l'avantage fiscal conditionnait la capacité de Mme M. à financer le bien ; aucun élément n'est produit en ce sens et il n'est même pas fait état de difficultés rencontrées par Mme M. pour rembourser l'emprunt immobilier souscrit auprès du Crédit Immobilier de France ; celui-ci ne se prévaut pas de mensualités impayées.

« Aussi, s'il n'apparaît pas contestable, comme l'a relevé le premier juge, que l'avantage fiscal était nécessairement important pour Mme M., aucun élément ne vient par contre corroborer l'affirmation de celle-ci selon laquelle cet avantage était déterminant de son consentement en ce qu'il conditionnait le financement et la rentabilité de son investissement, en sorte que le contrat de vente ne saurait être annulé (ni les contrats subséquents), que ce soit sur le fondement du dol ou de l'erreur, l'action en responsabilité de Mme M. ne pouvant se résoudre qu'en dommages et intérêts après examen des responsabilités encourues par les différents intervenants à l'opération.

 

Titre II : responsabilité civile des différents intervenants du fait du défaut de classement de la résidence de tourisme

Point 1 : absence de responsabilité du conseiller financier en l’absence de faits lui étant reprochés

Extrait : « Si aux termes du dispositif de ses conclusions Mme M. sollicite « la condamnation in solidum des défendeurs » à réparer son préjudice, elle n'articule dans les motifs de ses écritures aucun moyen de fait et de droit sur la responsabilité éventuelle de la société Fiscality, si bien qu'il y a lieu de déclarer mal fondée l'action en responsabilité dirigée contre cette société. »

 

Point 2 : responsabilité du notaire du fait de l’information erronée concernant le classement en résidence de tourisme dans l’acte de vente

Extrait : « Dans la rédaction des actes de vente qu'il instrumente le notaire est tenu de vérifier l'exactitude des informations qu'il délivre aux parties.

En l'espèce, à sa clause « Information de l'acquéreur », l'acte indique que « Le vendeur déclare que l'immeuble fait partie d'un ensemble immobilier destiné à être exploité en Résidence de Tourisme lequel fait l'objet d'une décision de classement, conformément à l'article 1er de l'arrêté du 14 février 1986 du Ministère du Commerce Extérieur et du Tourisme (publié au Journal Officiel du 6 mars 1986). » (souligné par la cour)

« L'erreur matérielle alléguée par la SCP notariale ne ressort nullement d'évidence de la rédaction de cette clause ; la mention selon laquelle la résidence de tourisme fait l'objet d'une décision de classement est dépourvue d'ambiguïté…

Il est donc certain qu'à la signature de l'acte authentique de vente, Mme M. n'a pu que croire l'information que le notaire lui avait délivrée selon laquelle la résidence dans laquelle elle achetait un appartement faisait l'objet d'un classement administratif en résidence de tourisme.

Or, il est acquis au débat que cette information s'est avérée erronée puisque ledit classement, après avoir été refusé par arrêté préfectoral du 2 avril 2010, n'a été accordé que par arrêté du 26 août 2011, après que la résidence ait été mise aux normes des résidences de tourisme (le nombre de cabines téléphoniques était initialement insuffisant).

« Il est aussi constant, la lecture du redressement fiscal ne laissant pas de doute à ce sujet, que la perte de l'avantage fiscal résulte directement du défaut de classement de la résidence litigieuse en résidence de tourisme.

« Il s'ensuit qu'en délivrant une information erronée à Mme M., la SCP notariale a engagé envers elle sa responsabilité délictuelle, sa faute étant en lien de causalité directe avec la perte de l'avantage fiscal. »

 

Point 3 : responsabilité du vendeur et de l’exploitant du fait du retard de classement en résidence de tourisme

Extrait : « C'est par une juste analyse des éléments de la cause et des obligations respectives de la société venderesse et de la société exploitante telles que définies par le contrat conclu entre elles le 6 décembre 2006, et par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a considéré que le retard de classement de la résidence litigieuse était fautivement imputable à ces deux sociétés.

La société venderesse, la SARL O.Participation, engage ainsi sa responsabilité contractuelle envers Mme M. et la société exploitante, cocontractante de la seule société venderesse, engage sa responsabilité délictuelle envers Mme M..

Leurs fautes respectives sont à l'origine de la perte de l'avantage fiscal. »

 

Point 4 : absence de responsabilité de la banque prêteuse quant à l’obligation de conseil ou la licéité du financement du conseiller financier

Extrait : « [S]i le banquier dispensateur de crédit est effectivement débiteur envers l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde au regard de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt, c'est à la condition que l'emprunteur, qui invoque le manquement du banquier à cette obligation, apporte préalablement la preuve de la disproportion de son engagement par rapport à ses capacités financières ou d'un risque d'endettement qui serait né de l'octroi du crédit.

Faute ainsi de démontrer la disproportion de son engagement par rapport à ses capacités financières ou un risque d'endettement, elle est mal fondée à voir engager la responsabilité de la société CIC sur le fondement de son devoir de mise en garde…

« [I]l est acquis au débat que la société CIC a financé, outre le prix de l'acquisition immobilière, celui des prestations résultant de la charte financière conclue entre Mme M. et la société Fiscality.

« Mme M. prétend qu'en finançant par un prêt immobilier le coût de cette prestation accessoire de conseils financiers et fiscaux, la banque a détourné les dispositions régissant l'octroi des prêts immobiliers, lesquels sont réservés à la réalisation d'une opération immobilière.

« Mme M. n'invoque toutefois aucune disposition légale, règlementaire ou jurisprudentielle au soutien de son allégation d'illicéité du financement de la prestation litigieuse au moyen d'un crédit immobilier… »


Référence : Cour d’appel de Douai, 16 janvier 2020, RG n°17/06680