Annulation vente immobilière pour dol
Un appartement dont un arrêté préfectoral interdit l'habitation
Résumé:
Le vendeur professionnel de l'immobilier a intentionnellement caché l'impossibilité de louer le bien à l'acheteur, qui obtient l'annulation de la vente pour dol.
Faits
Par acte notarié en date du 29 janvier 2009, M. T. a vendu à M. L. un appartement d'une superficie de 13,50 m2, à usage de « chambre avec salle d'eau » et WC sanibroyeur, moyennant un prix de 45.000 euros. L'acheteur a loué ce bien. Un arrêté préfectoral interdisant l'habitation dudit bien a été notifié au propriétaire, lequel était en conséquence sommé d'assurer le relogement de son occupante. L'acheteur assigner son vendeur en résolution de la vente et indemnisation de son préjudice.
Rejet de l'annulation sur la garantie des vices cachés (demande principale)
Les caractéristiques apparentes du bien conduisent à écarter la qualification de vice caché
Le bien en cause n'était pas affecté au moment de la vente d'un vice caché dans la mesure où il était clairement visible qu'il était en rez de jardin et quasi enterré, que dans une seule et unique pièce se trouvaient le coin cuisine, la salle d'eau et les wc, et que s'il y avait une fenêtre à trois battants, seuls deux battants s'ouvraient.
Toutes ces caractéristiques apparentes ont permis au préfet de considérer que les dispositions de l'article L 1331-22 du code de la santé publique aux termes desquelles les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, devaient recevoir application. Il ne peut donc être dit que la chose était affectée d'un vice caché, alors que la composition des lieux était apparente, ni d'un vice caché antérieur à la vente, alors que l'interdiction d'habiter n'avait pas encore été prise à la date de la vente.
Annulation de la vente pour DOL (demande subsidiaire)
Le dol est une cause de nullité de la vente immobilière lorsque les manœuvres frauduleuses pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol peut être le silence du vendeur dissimulant à l'acheteur un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.
Vendeur professionnel de l'immobilier (agent immobilier)
Le vendeur avait acquis le bien pour 28.966 euros et avait la qualité de professionnel de l'immobilier (gérant de SCI et de plusieurs agences immobilières, dont celle qui est intervenue dans la vente litigieuse). Le vendeur ne pouvait donc ignorer les dispositions de l'article L 1331-22 du code de la santé publique. Le vendeur avait l'obligation d'informer l'acheteur que le bien ne pourrait être loué. Il aurait du au moins attirer son attention sur le risque majeur qu'il soit jugé impropre à l'habitation. Le vendeur qui habitela même ville que celle du bien litigieux et l'une des agences immobilières est située dans cette ville. Il ne pouvait ignorer que dès avant la vente, le maire de la commune avait été saisi de nombreuses plaintes relatives à des logements insalubres sur cinq résidences de sa ville, dont la résidence en question.
Réticence dolosive du vendeur
L'acheteur a donc été victime d'une réticence dolosive du vendeur, qui ne donnant pas toutes les informations utiles sur l'usage possible du bien, a vicié son consentement dès lors que l'acheteur informé sur l'impossibilité de louer le bien, n'aurait pas acheté. Il convient donc de prononcer l'annulation de la vente du bien pour dol.
Remboursement du prix de vente
Le vendeur est condamné à restituer le prix de vente 45.000 euros.
Remboursement des « frais liés » à la vente (frais de notaire, taxes)
Aux termes de l'article 1961 du code général des impôts, en cas de rescision d'un contrat pour cause de lésion, ou d'annulation d'une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa du texte perçues sur l'acte annulé, résolu ou rescindé sont restituables si l'annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée.
Au vu de l'extrait de compte établi par le notaire, il apparaît que sur la somme de 4.001 euros, il convient de déduire les impositions et taxes versées à hauteur de 2.600 euros, lesquelles peuvent être restituées à l'acheteur par l'administration, de sorte que son préjudice lié aux frais de la vente s'établit à la somme de 1.401 euros qui sera mise à la charge du vendeur.
Maître Bruno Traesch, Invité de Laurent Petitguillaume dans l'émission Les Experts,
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