Vente: les clauses ambigües défavorables aux vendeurs

Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur

Droit de la vente immobilière. Les clauses du contrat de vente immobilière qui ne sont pas claires doivent être interprétées en faveur de l'acheteur du bien immobilier.

1°) Les deux obligations du vendeur de l'article 1602 du code civil

L'article 1602 du code civil dispose :

« Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur. »

a) Obligation précontractuelle de renseignement pesant sur le vendeur

Une obligation précontractuelle de renseignement pèse sur le vendeur en application de l'article 1602 du Code civil. Il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il a exécuté cette obligation.

Cour d'appel de Versailles, Chambre 3, 7 Janvier 2009, N° 08/07033, Numéro JurisData : 2009-022014

b) L'interprétation des clauses ambigües contre le vendeur professionnel

Les contrats ambigus doivent être analysés au regard des exigences de l'article 1602 du code civil, explicitées par l'article L111-1 du code de la consommation selon lequel, dans sa version de la loi 93-949 du 26 juillet 1993 :

« I tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service »

Si le vendeur a violé l'article 1602 du code civil et les contrats obscurs et ambigus doivent être interprétés contre le vendeur.

2°) Interprétation en faveur de l'acheteur

a) La commune intention quant à la consistance du bien vendu

Ainsi jugé également que les juges du fond ne doivent pas s'attacher uniquement aux mentions d'un acte desquelles il résulte qu'une vente immobilière portait sur un lot déterminé et qu'ils doivent se prononcer au regard de la commune intention des parties quant à la consistance des biens vendus en l'état d'un acte qui n'est ni clair ni précis (Cass. 3e civ., 7 févr. 2012, n° 11-10.496, inédit : JurisData n° 2012-003015).

Il ne s'agit pas d'une erreur sur la valeur, puisque cette différence de valeur n'est que la conséquence du vice du consentement subi par l'acheteur.

Le vendeur délivre un sous-sol maquillé en rez-de-chaussée. L'intention du vendeur est claire, construire et vendre un étage supplémentaire, plutôt que de vendre des immeubles à hauteur de rez-de-chaussée. La commune intention des parties portait sur un appartement à hauteur de la chaussée et non plus deux mètres en dessous de la chaussée.

b) La configuration des lieux peut laisser penser à tort à l'acquéreur que le bien immobilier n'est pas un bien atypique affecté d'un défaut majeur

La cour de cassation rappelle que l'article 1602 du code civil doit conduire la juridiction saisie à statuer sur la question de savoir si la configuration des lieux ne pouvait laisser penser à un acquéreur vigilant que le bien vendu a les caractéristiques habituelles attendu d'un immeuble d'habitation.

Cour de cassation, Chambre civile 3, 4 Novembre 2010, N° 09-72.673, 1304, Numéro JurisData : 2010-020672

En l'espèce, la configuration des lieux ne pouvait laisser penser à l'acheteur que l'appartement serait à deux mètres sous le sol et souffrirait d'un manque de lumière et d'ensoleillement dans une commune connaissant un des essentiellement les plus importants de France.

c) Sanction de la violation de l'article 1602 du Code civil

La doctrine rappelle que la sanction de la violation de l'article 1602 du code civil consiste en une interprétation du contrat en faveur de l'acheteur. Le juge interprète une clause du contrat relative à la chose vendue en faveur de l'acheteur, ce qui lui permet d'en conclure à la non-conformité de la chose délivrée par exemple :

« 44. – Sanctions –

Il n'y a pas de sanction à proprement parler, au moins directe, de l'interprétation en faveur de l'acheteur.

Le juge détermine le sens du contrat ou de l'une de ces stipulations. La sanction est indirecte et consiste pour le juge à tirer toutes les conséquences du contrat ou de la clause.

Par exemple, s'agissant de l'interprétation de la clause selon laquelle l'acheteur prend la chose en l'état, le juge considère qu'elle n'est pas une clause exclusive ou limitative de la garantie des vices cachés, ce qui lui permet de faire application de cette garantie (CA Caen, 1re ch., sect. civ. et com., 2 juin 1994, préc. n° 41 : action rédhibitoire. – CA Papeete, ch. civ., 30 sept. 2004, préc. n° 41 : action estimatoire).

De même, le juge interprète une clause du contrat relative à la chose vendue en faveur de l'acheteur, ce qui lui permet d'en conclure à la non-conformité de la chose délivrée (Cass. 3e civ., 3 déc. 1997, préc. n° 43). » Fasc. unique : VENTE . - Obligations du vendeur . - Interprétation du contrat

d) La délivrance non conforme résultant de l'interprétation contre le vendeur

« En délivrant un immeuble dont les équipements n'étaient pas conformes à sa destination en qualité de vendeur professionnel de l'immobilier, ce dernier occasionne à ses acquéreurs un trouble de jouissance auquel il doit réparation. », Cour d'appel de PARIS, Chambre 23 section B, 2 Mars 1989, Numéro JurisData : 1989-020905

A titre d'illustration, un arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 1er avril 2010 détaille l'articulation des articles 1602 les 1603 du code civil :

« Considérant que selon l'article 1602 du code civil, 'Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige.

Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur;

Que selon l'article 1603, le vendeur a 'deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend' ;

Que l' article 1604 du code civil dispose que 'La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ' ;

Que l'article 1611 du même code énonce que 'Le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu' ; »

Cour d'appel Versailles Chambre 3 1er Avril 2010 N° 08/09298, Numéro JurisData: 2010-003602

Viole les articles 1134 et 1602 du Code civil le vendeur qui n'explique pas clairement et antérieurement à la signature du compromis de vente, ce à quoi il s'oblige et qui ne respecte pas le principe de loyauté et de bonne foi qui doit présider dans tout contrat, en ce qu'il ne permet pas à l'acquéreur de prendre la pleine mesure de son engagement. Les biens vendus devaient être libres de toute hypothèque, sous réserve de la levée hypothécaire en cours. Or le vendeur n'avait pas précisé que la procédure en cours consistait en un incident de nullité de la procédure de saisie immobilière, alors pourtant qu'il savait pertinemment que la vente projetée ne pourrait être réalisée à la date prévue pour la signature de l'acte notarié, faute pour la procédure de levée hypothécaire d'avoir abouti à temps. Le vendeur est donc tenu de réparer le préjudice découlant de la violation de son obligation de renseignement renforcée. Évalué à 15 000 euros, il consiste en une perte de chance de gain, le projet de bail commercial avec un loyer annuel avantageux n'ayant pu être concrétisé suite au comportement léger et fautif du vendeur.

Cour d'appel de BORDEAUX, Chambre 1, section B, 26 Mars 2007, Numéro de rôle : 05/02639, Numéro JurisData : 2007-336740

La résidence de tourisme n'était pas conforme aux documents contractuels de vente. Le promoteur et vendeur en l'état futur d'achèvement de la résidence de tourisme est condamné pour défaut de délivrance conforme aux règles de l'art.

Les juges se fondent sur le contenu du contrat et la commune intention des parties signataires du contrat de vente.

Cour d'appel de Riom, Chambre civile 1, 23 mars 2015, N° 14/00537, SARL DOMAINE DE LA REINE – Syndicat des copropriétaires de la copropriété LE BOIS DE LA REINE pris en la personne de son syndic la SARL IMMOBILIER GERGOVIA, Numéro JurisData : 2015-007131

Par application des articles 1602 et 1603 du Code civil, le vendeur doit sa garantie dès lors qu'il a méconnu son obligation de délivrance de la parcelle conformément aux stipulations contractuelles inexactes

Cour d'appel de DIJON, Chambre civile A, 19 Décembre 2006, N° 06/00253, Numéro JurisData : 2006-324480

e) La violation de 1602 caractérisant une réticence dolosive

En vertu de l'article 1602 du Code civil, le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Il doit, à ce titre, informer l'acquéreur de toutes circonstances qui peuvent diminuer l'usage du bien transmis et dont il a connaissance. Celui qui ayant une telle connaissance n'en informe pas l'acquéreur, commet une réticence dolosive.

Cour d'appel de TOULOUSE, Chambre 1, section 1, 26 Novembre 2002, N° 2002/00676, Numéro JurisData : 2002-200595

La violation des dispositions de l'article 1602 du code civil conduit à interpréter les stipulations contractuelles en faveur de l'acheteur.

En conséquence, la violation de 1602 du code civil conduit à constater d'une part la délivrance non conforme d'un rez-de-jardin en sous-sol en lieu et place d'un rez-de-chaussée et d'autre part la réticence dolosive.

Le vendeur en VEFA a manqué à son obligation contractuelle de livraison de biens dépendant d'un EPHAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). La gravité de la délivrance non conforme conduit les juges à annuler le contrat de vente. Le vendeur est condamné à payer à l'acquéreur 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, en raison des tracas occasionnés à l'acquéreur à l'occasion de la résolution de la vente litigieuse prononcée aux torts de la SCI venderesse.

Cour d'appel de Paris, Pôle 4, chambre 1, 7 mai 2015, N° 13/05519, Monsieur Spencer Cyrille ANIAKOU Maître Denis SALZES, Numéro JurisData : 2015-014370

Nullité de la vente immobilière pour erreur sur la substance

Le manquement du vendeur à son obligation d'information est parfois constitutif d'une erreur sur la substance de la chose, vice du consentement de l'acheteur.

La nullité de la vente immobilière est alors prononcée sur le fondement de l'article 1110 du code civil. (COUR D'APPEL Grenoble, CH. CIVILE 1, 10 juin 2014N° 11/05107 R. G. N° 11/05107)

Nullité de la vente immobilière pour absence de cause

La contrepartie du paiement du prix est la délivrance d'un appartement lumineux et ensoleillé situé en rez-de-chaussée.

La délivrance d'un bien sombre, humide et en sous-sol prive le contrat de sa cause : la délivrance d'un appartement lumineux en rez-de-chaussée, contrepartie du paiement du prix.

La doctrine rappelle que la cause en tant qu'analyse de la contrepartie n'est pas une notion abstraite, objective et donc inutile:

"La cause envisagée comme contrepartie de l'obligation du débiteur joue d'ailleurs un rôle de plus en plus grand dans la jurisprudence française. Elle sert de base aux juges pour lutter contre les déséquilibres contractuels les plus flagrants et donc pour protéger l'un des cocontractants lorsqu'il prend conscience de ce que l'opération économique qu'il espérait réaliser n'aboutira pas." Dans ces cas là, l'absence de cause est sanctionnée par la nullité relative. Ainsi en a décidé, par exemple, la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 mars 2006 par la troisième chambre civile (Cass. 3e civ., 29 mars 2006, n° 03-14.639 : JCP G 2006, I, 153, n° 7, obs. Constantin).

Dans le même ordre d'idées, la Cour de cassation a à connaître d'affaires où l'absence de cause résulte d'un prix dérisoire. La question s'est posée de savoir si le contrat est alors nul ou inexistant. Un arrêt récent (Cass. 3e civ., 21 sept. 2011, n° 10-21.900 : JurisData n° 2011-019517 ; JCP N 2012, p. 33, obs. Waltz ; JCP G 2011, p. 2283, Ghestin) est très explicite à ce sujet : il écarte l'inexistence au profit de la nullité et précise qu'il s'agit d'une nullité relative. »

Jurisclasseur, Fasc. 20 : CONTRATS ET OBLIGATIONS . – Nullité et rescision des conventions. – Généralités : inexistence et rescision