Résidence de tourisme Adagio Val d’Europe

8 bailleurs de la résidence de tourisme Adagio Val d’Europe ont réussi à faire condamner à 124 508 euros la société PV RESIDENCES & RESORTS France (PV CP CITY) du groupe PIERRE ET VACANCES par le tribunal judiciaire de Meaux dans un jugement du 5 mai 2022 (loyers Covid 121 628 euros et 2 880 euros d’article 700 du CPC)
La Cour de cassation avait confirmé cette solution jurisprudentielle dans ses deux arrêts et son communiqué du 30 juin 2022.


L’absence de « perte partielle de la chose louée »


L’exploitant société du groupe PIERRE ET VACANCES prétendait que les confinements issus d’une décision administrative serait assimilable à une destruction partielle de la chose louée.

L’objectif étant de soustraire au paiement des arriérés de loyers commerciaux pour cette résidence de tourisme.

Le tribunal judiciaire de Meaux a rejeté cet argument dans les termes suivants :
« Une indisponibilité temporaire de la chose louée, par le jeu d’une décision de l’administration, n’est en aucun cas assimilable à une destruction partielle. En effet, le propre de la destruction est de présenter un caractère définitif.
Or, en l’espèce, ce dont il s’agit est une fermeture administrative présentant un caractère temporaire ne pouvant être assimilée à destruction partielle de la chose louée.
 
Sur le moyen tiré de la « perte partielle de la chose louée
Une indisponibilité temporaire de la chose louée, par le jeu d’une décision de l’administration, n’est en aucun cas assimilable à une destruction partielle. En effet, le propre de la destruction est de présenter un caractère définitif.
Or, en l’espèce, ce dont il s’agit est une fermeture administrative présentant un caractère temporaire ne pouvant être assimilée à destruction partielle de la chose louée.
Le moyen sera rejeté. »


Jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 5 mai 2022, 1ère chambre, N° RG 21/01536
#covid #loyerscovid #avocat
P age 1- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l’ordonnance de clôture : 10 janvier 2022
Minute n° 22/
N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
JUGEMENT DU CINQ MAI DEUX MIL VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS
représentés par Me Bruno TRAESCH, avocat au barreau de PARIS,
avocat plaidant
DEFENDERESSE
S.A.S.U. PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE
11 rue de Cambrai 75947 PARIS CEDEX 19
représentée par Maître François MEURIN de la SCP TOURAUT
ET ASSOCIES, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : M. FERREIRA, Juge
Assesseurs: M. LESPIAUCQ, Juge
M. BOURDEAU, Juge
Jugement rédigé par : M. BOURDEAU
P age 2- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
DEBATS
A l’audience publique du 07 Avril 2022
GREFFIER
Lors des débats Mme MOUSTIN, greffier placé et du délibéré : Madame
BOUBEKER,
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du
délibéré, M. FERREIRA, Président, ayant signé la minute avec Madame
BOUBEKER ;
*****
Exposé du litige
La société par actions simplifiée unipersonnelle PV CP CITY,
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 513 635 987 (ci-après le
« Preneur »), filiale de la société City Holding et intégrée au groupe
Pierre et Vacances / Center Parcs, est titulaire d’un bail commercial
portant sur un bien sis 42, cours du Danube 77706 Serris dont les
bailleurs sont la société (ensemble dénommés les « Bailleurs »).
Elle y exploite une résidence de tourisme de 262 logements sous le nom
commercial Adagio Val d’Europe.
Dans le courant des années 2020 et 2021, l’activité du Preneur a été
touchée par les effets des diverses mesures réglementaires et
administratives prises en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars
2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
Par un courrier adressé aux Bailleurs le 30 mars 2020, la société PV-CP
CITY a indiqué que les biens objets des baux étaient « indisponibles
pour cause de force majeure et a précisé nous sommes contraints
à interrompre la charge de loyer et le règlement correspondant et
ce jusqu’à l’autorisation de réouverture au public ».
Puis, par courrier du 4 décembre 2020, le preneur a indiqué que « la
modification du 28 novembre maintient l’interdiction de recevoir du
public pour les établissements d’hébergement touristique pour une
nouvelle période minimale s’achevant le 15 décembre 2020. En
notre qualité de preneur n’étant pas autorisé à exploiter les biens
loués conformément à leur destination contractuelle de résidence de
tourisme, nous sommes contraints d’interrompre le règlement des
loyers pendant la durée de fermeture administrative ».
Saisie sur requête par diverses sociétés du groupe Pierre et
Vacances /Center Parc sur le fondement de l’article L611-6 du code de
commerce, le président du tribunal de commerce de Paris a, par
ordonnance du 2 février 2021, nommé la SCP d’administrateur
judiciaire Abitbol & Rousselet en la personne de Me Rousselet et
Me Abitbol en qualité de conciliateur pour une durée de 4 mois,
mission prorogée d’une durée de
P age 3- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
6 mois par ordonnance du 1er juin 2021.
Par acte du 17 décembre 2020, les Bailleurs ont fait procéder à
l’assignation de du Preneur, aux fins de paiement des loyers impayés.
Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées par RPVA le 1er
décembre 2021, les Bailleurs demandent au tribunal de :
CONDAMNER la société PV HOLDING à régler les impayés de
loyers à chaque demandeur, soit les sommes suivantes de :
· La société la somme totale de 12.953 € ;
· Monsieur la somme totale de 10.961 € ;
· Monsieur la somme totale de 77.542 € ;
· Madame la somme totale de 1.521 € ;
· Madame la somme totale de 12.878 € ;
· Monsieur et Madame la somme totale de 5.773 € ;
En tout état de cause, CONDAMNER la société PV HOLDING à
régler la somme de 480 euros à chaque demandeur sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de
la présente instance.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par RPVA le 5
janvier 2022, le Preneur demande au tribunal de :
Sur les loyers du 15 mars au 22 juin 2020 et du 1er novembre
2020 au 9 juin 2021
DEBOUTER les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes
au titre du paiement des loyers afférents à ces périodes ;
A titre subsidiaire ACCORDER à la société PV-CP CITY le délai
maximal de vingt-quatre mois pour procéder au paiement des
sommes réclamées par les demandeurs ;
Sur les loyers afférents à la période de réouverture de la
résidence du 22 juin 2021 au 30 septembre 2021 ;
ACCORDER à la société PV-CP CITY le délai maximal de vingtquatre
mois pour procéder au paiement des sommes réclamées
par les demandeurs.
CONDAMNER chacun des demandeurs à verser à la société PVCP
CITY la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du
Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé du litige, il est renvoyé aux écritures des
parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de
procédure civile, étant précisé que les moyens intervenant au soutien des
prétentions seront exposés dans le cadre des motifs du présent jugement.
Par ordonnance du 10 janvier 2022, la mise en état de l’affaire a été
clôturée et elle a été fixée à l’audience du 7 avril 2022 pour y être
plaidée. Elle a été mise en délibéré au 5 mai 2022.
Motifs
Sur les demandes de condamnations de la société PV CP CITY au
paiement des loyers impayés
P age 4- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
Au soutien de leurs demandes tendant à la condamnation du preneur, les
Bailleurs se fondent sur le caractère obligatoire des conventions
légalement formées.
Le Preneur s’oppose à cette demande, concluant, à titre principal, au
débouté des demandes pour la période 15 mars au 22 juin 2020 et du 1er
novembre 2020 au 9 juin 2021, articulant trois moyens qui seront
successivement étudiés.
Sur le moyen tiré de l’obligation de délivrance et de l’exception
d’inexécution
Aux termes du premier de ces moyens, la société par actions
simplifiée PV CP CITY indique, sur le fondement de l’article 1719 du
code civil, que le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée
et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail
commercial ; qu’à défaut de délivrance, le preneur est fondé à se
prévaloir de l’exception d’inexécution prévue par les dispositions de
l’article 1219 du code civil et refuser d’exécuter son obligation
consistant dans le paiement des loyers.
Il ajoute que les différents arrêtés et mesures administratives
portent bien une atteinte à la jouissance paisible des locaux loués,
puisqu’en interdisant de recevoir du public, les mesures administratives
empêchent le preneur de jouir des locaux conformément à leur
destination contractuelle.
Le preneur souligne qu’il n’exige pas du bailleur d’être garant de
la commercialité des locaux loués mais bien d’être en mesure d’exploiter
les locaux conformément à la destination prévue au bail qui lui a été
consenti ; au cas d’espèce, ce qui est en jeu, ce n’est pas le maintien d’un
environnement commercial favorable, mais plus radicalement la
possibilité même de recevoir dans les locaux loués la clientèle, puisque
le fait du prince interdit de recevoir le public dans les locaux loués. Or
la destination du bail qui est à usage de résidence de loisirs postule la
possibilité d’héberger la clientèle dans les locaux loués.
Il ajoute que l’obligation de jouissance paisible du bailleur ne
porte pas uniquement sur l’aptitude physique des locaux loués à
permettre l’exploitation de la destination autorisée, mais aussi leur
aptitude administrative.
Il explique qu’une cause étrangère ayant empêché le bailleur
d’exécuter son obligation, celle-ci pourra constituer une cause
d’exclusion de sa responsabilité contractuelle mais ne saurait en aucun
cas faire obstacle à la faculté de la société PV-CP CITY d’invoquer
l’exception d’inexécution.
Répondant à ce moyen, les demandeurs estiment que l’obligation
de délivrance a été exécutée par les bailleurs et que le preneur ne saurait
se prévaloir d’aucune exception d’inexécution ; que la prétendue
impossibilité d’exploitation de la résidence ADAGIO VAL D’EUROPE
n’était pas totale. Plus de 30 % des résidences ADAGIO ont continué à
fonctionner de l’aveu même des dirigeants du groupe.
P age 5- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
Sur ce,
Par application de l’article 1719 du code civil le bailleur est obligé, par
la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation
particulière de délivrer au preneur la chose louée et d’en faire jouir
paisiblement le preneur pendant la durée du bail. De ces dispositions il
résulte, qu’en matière de baux soumis au statut des baux commerciaux,
le bailleur n’est pas tenu, en l’absence de clause particulière, d’assurer la
commercialité des locaux mis à disposition.
En l’espèce, il est constant que le bien a été matériellement délivré au
preneur qui, pendant la durée des diverses mesures de restriction liées à
la pandémie dite de covid 19 a eu accès au local sans pouvoir y exploiter
normalement son activité.
Le désaccord entre les parties sur l’existence, ou non, d’une activité
subsistante constitue un élément secondaire au raisonnement.
En effet, l’analyse doit prioritairement se porter sur la possibilité ouverte
ou non au Preneur de reprocher aux Bailleurs cette perturbation sur le
fondement de l’obligation de délivrance, qu’elle qu’ait été son ampleur
et indépendamment de toute analyse d’un fait fautif.
Or, de ce point de vue, le bail produit ne comporte aucune clause de
nature à mettre à la charge du bailleur une obligation consistant à
assurer la commercialité des locaux. Un telle clause est une figure
contractuelle connue. Elle se présente parfois dans le domaine des locaux
situés dans les centres commerciaux. Il arrive alors que les preneurs et
bailleurs conviennent que le bailleur garantisse la possibilité d’un plein
accès au local loué. Toutefois, un tel mécanisme de garantie est un
engagement qui doit être explicite et ne saurait résulter d’aucune
déduction sur un principe aussi général que celui de destination du local.
Le moyen parait dès lors devoir être rejeté.
Cependant, cet obstacle ne paraît pas insurmontable au Preneur qui fait
observer qu’il n’exige pas du bailleur qu’il soit le garant de la
commercialité des locaux. Il tente à cet égard d’opérer une distinction
entre, d’une part, garantie de commercialité et, d’autre part, possibilité
d’exploiter les locaux conformément à la destination prévue au bail qui,
par hypothèse, n’est pas satisfaite en cas de fermeture administrative.
La distinction demeure cependant superficielle. En effet, elle ne change
rien à la matérialité du grief qui est porté : il est reproché au bailleur ne
pas délivrer un local susceptible d’être fréquenté par sa clientèle.
En effet, dans l’hypothèse d’une fermeture administrative ou d’un
confinement de la population, la fréquentation du commerce est
impossible et, de fait, sa commercialité n’est pas garantie en cette
période.
C’est bien cet élément factuel qui est mis en avant par le preneur comme
fait constitutif du manquement du bailleur.
Faire grief au bailleur de ne pas délivrer un local dans de telles
circonstances, revient bien à faire de lui le garant de la commercialité
dudit local ce qui, en l’absence de clause spécifique, n’est pas possible.
P age 6- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
Dans ces conditions, le preneur ne saurait reprocher aux bailleurs un
manquement à leurs obligations de délivrance et, donc, se fonder sur
l’exception d’inexécution pour refuser de payer les loyers. Le moyen sera
rejeté.
Sur le moyen tiré de la force majeure
Au soutien de sa demande tendant au débouté des bailleurs, le
preneur indique sur le fondement de l’article 1218 du code civil dispose
qu’« il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement
échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement
prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être
évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son
obligation par le débiteur » ;
Que si l’épidémie en tant que telle n’était pas à proprement parler
imprévisible, les mesures jusqu’à ce jour inédites prises par le
Gouvernement, à savoir la mise en quarantaine de villes entières,
l’interdiction de recevoir du public dans les lieux « non indispensables
la vie de la nation » en ce compris les hébergements touristiques, la
fermeture des commerces « non essentiels », l’annulation de tous les
spectacles, congrès, manifestations sportives, ou encore la fermeture des
frontières, étaient manifestement imprévisibles au moment de la
conclusion du contrat, en l’absence de véritable précédent. Il en va de
même des incertitudes et de la peur des populations générée par cette
épidémie qui a d’ores et déjà eu impact catastrophique sur le secteur du
tourisme.
Quant au caractère irrésistible, le Preneur indique que celui-ci est
également avéré puisque l’ensemble de ces mesures d’interdiction
d’exploitation et d’interdiction de déplacement ont été imposées de façon
unilatérale et contraignante par les pouvoirs publics, ces mesures
administratives revêtant les caractéristiques d’un fait du Prince auquel il
n’est, par définition, pas possible de résister.
Le Preneur ajoute que les restrictions ont mis l’exploitation dans
l’impossibilité de générer un quelconque chiffre d’affaires et par
conséquent dans l’impossibilité de disposer de la trésorerie indispensable
au règlement des loyers. En effet, en l’absence de toute exploitation des
locaux loués, régler des loyers aurait conduit la société PV-CP CITY à
devoir rapidement déposer le bilan. La force majeure affecte les
obligations réciproques des deux parties, le bailleur étant lui-même
empêché d’exécuter ses obligations en raison de la force majeure, le
preneur doit pouvoir lui aussi invoquer l’existence d’une situation de
force majeure ayant pour effet de suspendre les obligations des parties,
et ce de façon symétrique.
Répondant au moyen, les bailleurs indiquent que les difficultés
de trésorerie du locataire commercial ne sont pas un cas de force majeure
et n’autorisent en principe ni à obtenir une annulation de la dette de
loyers, ni même un report de la dette ; que l’exploitant a bénéficié d’un
prêt garanti par l’État de 240 millions d’euros, ainsi que d’un prêt de 300
millions d’euros de ses partenaires et qu’il possède une trésorerie de plus
de 510 millions d’euros en mai 2021.
P age 7- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
Terminologie reprise par les dispositions d 1 e l’article 1218 du code civil.
Sur ce,
Par application de l’article 1148 du code civil dans sa rédaction
applicable à la cause, il y a force majeure en matière contractuelle
lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait
être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les
effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche
l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est
temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le
retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si
l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les
parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux
articles 1351 et 1351-1.
A titre liminaire, il doit être observé que l’appréciation de la notion de
force majeure revient à examiner l’empêchement par le débiteur
d’exécuter son obligation1.
La force majeure n’est pas appréciée au regard d’un rapport contractuel
mais nécessite une approche individualisée des obligations naissant de
celui-ci. Une telle perspective rend délicate la caractérisation de la force
majeure s’agissant d’une obligation emportant remise d’une chose de
genre.
En l’espèce, il est constant que l’obligation du débiteur, au sujet de
laquelle la force majeure est invoquée, consiste en une obligation de
paiement d’une somme d’argent.
La question qu’il importe donc de résoudre est celle de savoir si
l’obligation de paiement a été empêchée par un évènement revêtant les
caractères de la force majeure.
L’unique moyen avancé par le preneur, permettant de faire le lien entre
un évènement susceptible de revêtir des caractéristiques de la force
majeure et cette obligation spécifique, consiste à établir un rapport causal
indirect entre les mesures de restriction, l’impact de ces mesures sur la
trésorerie de l’entreprise et, donc, une impossibilité de paiement sans
encourir le dépôt de bilan.
Toutefois, le moyen manque cependant tant en droit qu’en fait.
En droit, tout d’abord, car l’état de cessation des paiements est
caractérisé par l’impossibilité de faire face, avec l’actif disponible, au
passif exigible. La question n’est donc pas celle du paiement de la dette
mais bien celle de son exigibilité. L’état de cessation des paiements est
susceptible d’être acquis dès l’exigibilité de la dette de loyer, peu
important qu’il y ait, ou non, paiement. En l’espèce, il sera fait observé
que, dans la mesure où le Preneur a mis en place une procédure de
conciliation postérieurement à l’exigibilité de la dette, c’est bien qu’il
était in bonis.
En fait, ensuite, le Preneur se contente d’indiquer que les restrictions ont
mis l’exploitation dans l’impossibilité de générer un quelconque chiffre
d’affaires et par conséquent dans l’impossibilité de disposer de la
P age 8- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
trésorerie indispensable au règlement des loyers. Cette allégation n’est
cependant corroborée par aucune pièce et le Preneur est taisant sur sa
situation de trésorerie. Si l’on peut supposer que la baisse du chiffre
d’affaires a nécessairement eu un impact négatif sur les capitaux propres
de la société, aucune quantification n’en est faite et les bilans de la
société ou des extraits de ses comptes bancaires ne sont pas produits.
Ainsi, l’impossibilité matérielle de payer n’est pas caractérisée.
Pour l’ensemble de ces motifs, le moyen sera rejeté.
Sur le moyen tiré de la « perte partielle de la chose louée »
Le Preneur indique que la perte de la chose louée est également un
fondement permettant de justifier, juridiquement, l’absence de paiement
des loyers. Il précise que cette perte peut être juridique et n’a pas à être
matérielle et peut résulter d’une décision de l’administration. En outre,
cette perte peut être partielle, notion qui peut être assimilée au caractère
temporaire de la perte. Le Preneur se fonde sur une analyse historique
des dispositions figurant dans le code civil ainsi que sur divers arrêts et
ordonnances rendues par les juridictions et juges du fond.
Les Bailleurs ne répondent pas au moyen.
Sur ce,
Par application de l’article 1722 du code civil si, pendant la durée du
bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié
de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant
les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation
même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun
dédommagement.
Il importe, en premier lieu, de souligner que la notion visée par les
dispositions précitées n’est pas celle d’une perte, mais d’une destruction.
La distinction entre ces termes n’est pas sans importance, ainsi qu’il sera
souligné infra.
De ces dispositions, il s’infère que la chose louée objet du droit au bail
est susceptible d’être détruite tant par l’effet d’un phénomène physique
que par l’effet d’une décision administrative.
De ces deux destructions, il résulte une disparition de tout ou partie d’un
rapport juridique constitué par le droit au bail.
Cette modification du rapport juridique impose son ré ordonnancement
prévu par les dispositions précitées : le constat de la résiliation du bail ou
la diminution du prix, si l’assiette de la chose est modifiée.
Une indisponibilité temporaire de la chose louée, par le jeu d’une
décision de l’administration, n’est en aucun cas assimilable à une
destruction partielle. En effet, le propre de la destruction est de présenter
un caractère définitif.
Or, en l’espèce, ce dont il s’agit est une fermeture administrative
présentant un caractère temporaire ne pouvant être assimilée à
P age 9- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
destruction partielle de la chose louée.
Le moyen sera rejeté.
Sur la demande reconventionnelle tendant à l’octroi de délais de
paiement
La société par actions simplifiée PV CP CITY indique que son chiffre
d’affaires et celui du groupe a été particulièrement éprouvé par les
mesures administratives et sollicite 24 mois de délais de paiement.
Les Bailleurs ne répondent pas spécifiquement à la demande
reconventionnelle, toutefois leurs oppositions peuvent être induites de la
demande de condamnation formulée sans aménagement.
Sur ce,
Par application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte
tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du
créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le
paiement des sommes dues. Conformément à l’article 9 du code de
procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément
à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, le tribunal n’est pas informé de la situation des Bailleurs
qui ne produisent aucun élément sur leurs situations respectives, mais sur
lesquels le risque de la preuve ne repose pas s’agissant de cette
prétention.
Ce dernier produit un document intitulé chiffre d’affaires et taux de
remplissage de la résidence 2019/2020/2021 certifié. Fort de cette pièce,
le preneur indique, que le chiffre d’affaires constaté sur la résidence a
très largement baissé pour atteindre 13000€ mensuels. Le preneur évoque
également la situation de son groupe d’appartenance.
Il n’est en aucun cas discutable que les mesures sanitaires ont eu un effet
sur le chiffre d’affaires du preneur.
Toutefois, les bilans de la société par actions simplifiée unipersonnelle
PV CP CITY, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 513
635 987, société commerciale qui est tenue de déposer ses comptes, ne
sont pas produits.
Or, pour octroyer des délais de paiement, encore faut-il que le tribunal
soit en mesure d’apprécier la situation concrète du débiteur qui, en
l’espèce évoque soit une partie de son activité, soit la situation de son
groupe.
Le tribunal n’est donc pas placé en situation d’apprécier sa situation et
la société par actions simplifiée PV CP CITY sera débouté de sa
prétention.
Sur les mesures de fin de jugement
Aux termes des articles 696 et 700 du code de procédure civile la partie
perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision
motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre
P age 10- N° RG 21/01536 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCGPZ
partie. Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son
procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais
exposés et non compris dans les dépens.
Il y a lieu, en l’espèce, de condamner la société par actions simplifiée PV
CP CITY aux entiers dépens ainsi qu’à payer 480 euros à chaque
demandeur sur le fondement de l’article 700.
Par ces motifs
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au
greffe,
Condamne la société par actions simplifiée unipersonnelle PV CP
CITY, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 513 635 987, à
payer au titre des loyers impayés du bail commercial portant sur un bien
sis 42, cours du Danube 77706 Serris
· une somme de 12953 € (douze mille neuf cent cinquante-trois
euros) à la société ;
· une somme de 10961€ (dix mille neuf cent soixante et un euros)
à
· une somme de 77542€ (soixante-dix-sept mille cinq cent
quarante-deux euros) à ;
· une somme de 1521€ (mille cinq cent vingt et un euros)
à ;
· une somme de12878€ (douze mille huit cent soixante-dix-huit
euros) à ;
· une somme de 5773€ (cinq mille sept cent soixante-treize euros)
à et ;
Déboute la société par actions simplifiée unipersonnelle PV CP CITY
de sa demande de délais de paiements ;
Condamne la société par actions simplifiée unipersonnelle PV CP CITY
aux dépens et à payer aux demandeurs une somme totale de 2880€ (deux
mille huit cent quatre-vingts euros), à répartir à hauteur de 480 € (quatre
cent quatre-vingts euros) par demandeur, au titre des frais irrépétibles ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT